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Photo du rédacteurLoan Philip

Récit n°3 : Blodwyn à l'Aventure

« Le voilà ! » a crié Valentine, ravie de sa découverte en pointant du doigt un tas de bûches moussues.

Essoufflée, je suis arrivée derrière elle en scrutant le décor avant de les apercevoir. Posée au sommet, une petite Porte de Fée blanche se dressait.


Porte de Fée blanche
Porte de Blodwyn, Fée des fleurs blanches

« Bon, nous n’avons plus qu’à l’attendre » a déclaré Valentine en s’installant à côté.


Quelques minutes plus tard, une petite Fée surexcitée a fait son apparition. Blodwyn, enchantée de trouver de la compagnie à qui raconter son dernier voyage, nous a à peine laissé le temps d’échanger quelques mots avant de commencer son récit :

« J’en avais entendu parler, mais je n’y étais encore jamais allée. Vous n’êtes pas sans savoir que je voyage deux fois par mois dans les lieux les plus magiques du monde. »

Nous l’ignorions, mais nous avons hoché la tête.

« Eh bien aujourd’hui, j’y suis enfin allée. Vous savez, malgré ma jeunesse j’ai beaucoup voyagé, et je suis de moins en moins étonnée par ce que je vois. Mais cette fois ci c’était exceptionnel, magnifique, je n’en revenais tout simplement pas. Vous auriez vu ces voutes, ces gravures. Et cette odeur ! Incroyable ! »

Ses yeux brillaient, fascinés par je ne sais quels souvenirs qu’elle se rejouait.

« Ça a l’air magnifique Blodwyn, mais quel est cet endroit ? j’ai demandé.

- Ah oui heu, le nom du lieu. Elle a semblé gênée un instant. C’est le Trou des Fées ! »

J’ai haussé bien haut les sourcils, curieuse, pendant que Valentine me jetait un regard ravi, impatiente de découvrir ce fameux Trou des Fées. Voyant notre intérêt, la petite Fée a eu un regain de confiance et s’est lancée dans une description précise à grand renfort de mouvements de bras frénétiques.

« C’est une grotte, dans une forêt, mais pas comme Stormwood, plus petite et il y a plus d’Humains. C’est une grotte creusée naturellement, avec des cavités sur les parois, et plein de petites grottes à l’intérieur. En fait c’est même une grotte avec des chemins, des couloirs qui serpentent et qui s’enfoncent dans la terre, toujours plus nombreux et toujours plus petits. Et les Humains adultes ne peuvent pas tenir debout dans l’entrée, même les enfants peuvent avoir du mal. C’est vraiment de petite taille. »

Ce faisant, elle a écarté au maximum les bras pour nous symboliser la petite taille de l’entrée puis, réalisant que la grotte était en réalité un peu plus grande, elle s’est déplacée pour mimer un cercle d’environ un mètre de diamètre.

« Et qu’y a-t-il dans ce Trou des Fées ? j’ai demandé.

- Figurez-vous qu’avant d’y entrer, j’étais aussi ignorante que vous ! Les histoires que j’avais entendues étaient toutes différentes, et aucun élément ne se distinguait des autres. J’ai donc décidé d’aller voir moi-même. J’y suis allée en plein jour, je me suis faufilée dans la forêt, bondissant d’arbre en arbre, me cachant dans les fougères, rampant à même le sol lorsqu’il le fallait ! Et j’ai fini par atteindre mon objectif ! »

Amusée, Valentine s’est penchée vers moi et m’a soufflé à l’oreille :

« Elle ne serait pas un peu dramatique des fois ?

- Je pense aussi, mais cela donne tout le piquant de l’histoire » j’ai ri.

Blodwyn continuait son histoire sans faire attention à nous :

« … et l’entrée était parsemée de gravures intrigantes. Je n’ai pas pu les déchiffrer, mais on aurait dit un langage d’un autre temps. Il y avait ce qui semblait être des mots, mais aussi des dessins. J’ai attendu que les Humains présents s’éloignent avant de m’aventurer à découvert et de filer vers l’entrée pour m’y réfugier. Vous n’imaginez pas à quel point c’est angoissant de se déplacer si près d’eux. »

Petite grotte parsemée de trous
Le Trou des Fées

Voyant nos sourcils se lever, elle a rougi et s’est confondue en excuses, agrémentées de nombreux « je ne parlais pas de vous bien sûr ». Nous l’avons rassurée en lui disant que nous ne l’avions pas du tout mal pris. Sous ses airs de dure à cuire, Blodwyn était en fait une petite Fée qui pouvait manquer de confiance en elle.


« Je suis rentrée à petits pas, a-t-elle continué, puis au bout de quelques mètres le couloir s’est divisé en deux. J’ai alors entendu un bruit derrière moi et j’ai à peine eu le temps de me retourner que j’ai vu un petit Humain foncer sur moi à pleine vitesse ! Il a tendu sa main vers moi et si je n’avais pas eu le réflexe de bondir sur le côté, je ne serais pas là pour vous raconter tout cela. Il m’a frôlée et j’ai senti son souffle dans mon dos tandis que je fuyais dans l’un des couloirs. Son cri de frustration m’a glacé les os et a raisonné durant de longues minutes après mon départ. J’ai foncé sans regarder où j’allais jusqu’à ne plus l’entendre. Quand je me suis enfin arrêtée, j’ai réalisé qu’il faisait complètement noir et bien plus froid qu’avant. Le sol en pente m’a indiqué que j’avais dû m’enfoncer profondément sous terre. À mesure que je reprenais mon souffle, je sentais mon corps refroidir et mes muscles se figer. La pente était douce et il n’aurait pas dû faire aussi froid, mais je sentais le poids d’une magie ancienne qui pesait sur mes épaules. »

Un craquement de branche a interrompu son récit. Un petit écureuil nous observait. Réalisant que j’avais retenu mon souffle pendant que Blodwyn parlait, je l’ai relâché avant de prendre une grande inspiration. Tout comme moi, Valentine profitait de cette pause pour respirer.

« Décidément, c’est une habitude chez vous les Woodiens de nous tenir en haleine » a-t-elle lancé.

Blodwyn a rougi de plus belle et relevé le menton, fière comme un paon. Valentine semblait lui avoir fait le plus beau compliment de sa vie.

« Continue je t’en prie » j’ai dit avec un mouvement de la main l’invitant à reprendre la parole.

Elle ne s’est pas fait prier et a repris :

« J’ai marché durant une éternité. Une faible lumière a fini par émaner des murs, bleutée, révélant de nouvelles gravures semblables à celles que j’avais aperçues à l’extérieur. Les croisements et couloirs se multipliaient et devenaient de plus en plus étroits et bas à mesure que j’avançais. Le froid vif me gelait le cerveau et j’avais un mal fou à réfléchir. Malgré les conditions extrêmes, je n’ai jamais pensé à faire demi-tour. J’étais comme appelée. Puis je l’ai entendue. Une voix, d’homme ou de femme je ne saurais le dire. Douce, puissante, mélodieuse, qui chantait dans une langue inconnue. Un sentiment étrange m’a alors envahi, et j’ai eu l’impression d’être de nouveau une jeune Fée qui s’occupe de sa première fleur. L’odeur de la boisson que je buvais à l’époque m’a chatouillée les narines, et j’ai senti dans tout mon être la même excitation que lors de mon premier voyage à travers ma Porte. Puis j’ai vu la lumière au loin et je suis arrivée au bout du couloir. Et je l’ai vu. »


Pause. Le vent dans les arbres faisait frémir les feuilles. Nous attendions.


« Devant moi s’ouvrait une grotte plus grande que la plus grande grotte que vous pouvez imaginer. Son toit arrondi descendait jusqu’à un sol plat, et des centaines de couloirs perçait les parois du sol au plafond. On y voyait comme en plein jour, mais je n’ai aperçu aucune ouverture, pas le moindre trou jusqu’à la surface. Il y faisait une température douce, fraiche comme une soirée de printemps. Et, au sol, des habitations s’étendaient à perte de vue. Je suis descendue et j’ai marché dans ce village fantôme, entre les maisons inhabitées depuis des siècles, peut-être même des millénaires, mais qui semblaient avoir été quittées à peine quelques mois plus tôt. Je ne savais pas où j’allais, mais mes pas me guidaient vers une maison en particulier. Elles étaient toutes identiques, mais celle-ci m’attendait. Devant sa porte, une petite fleur blanche avait poussé. Lorsque je suis entrée, je me suis sentie chez moi. J’ai fermé les yeux, et tous les meilleurs moments de ma vie ont défilés devant mes yeux. Les sons, les odeurs, les sensations, tout y était comme si je revivais le moment en personne. J’ai entendu des rires, j’ai goûté des plats, j’ai senti la douceur des tissus, et j’ai revécu mes plus grandes joies. Je ne saurais combien de temps je suis restée là, mais lorsque j’ai ouvert les yeux, plein de larmes, une Fée se trouvait en face de moi. Elle semblait être aussi vieille que le monde mais il émanait d’elle l’insouciance d’un nouveau-né. Dans ses yeux brillaient toutes les émotions d’une vie. Lorsqu’elle a parlé, j’ai reconnu la voix qui avait chanté plus tôt. Elle m’a dit s’appeler Minnen, et être la Fée des souvenirs.

Je demeure ici depuis toujours et à jamais. Tant qu’il restera une Fée alors j’existerai. Tu as trouvé ton passé ici Blodwyn, mais il n’est pas bon de vivre dans une illusion. Il te reste beaucoup à découvrir, une vie entière à mener. Forge-toi suffisamment de souvenirs pour oublier que tu es venue en ce lieu. Alors, et seulement en ce temps-là, tu pourras revenir. N’en parle pas non plus à tes camarades. Si elles ont besoin de moi, elles me trouveront.


Je me suis alors sentie très faible et je me suis évanouie. A mon réveil, j’étais de nouveau dans le premier passage de la grotte. J’ai voulu retourner sur mes pas, mais les couloirs se rejoignaient sans jamais s’enfoncer dans la terre. Le passage avait été fermé. »

 
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