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Rapport d'exploration n°3 - Les Skos

« Comment des créatures si petites peuvent créer une tanière aussi grande ? »

Valentine et moi nous tenions devant l’entrée d’une immense caverne moussue, dont l’ouverture était maladroitement dissimulée derrière du lierre et des buissons épais.

« La question est surtout : pourquoi ont-ils besoin d’une tanière de cette taille ? » j’ai rétorqué.

Vivement intriguées, nous avons attendu un signe des habitants du lieu. A chacune de nos visites la Sorcière, et parfois certaines Fées s’étant prises d’affection pour nous, nous conseillaient d’aller nous balader ici et là dans le but de découvrir des pans inconnus de la Forêt. L’expédition du jour nous a menées très loin au-delà du territoire des Elfes, derrière une haute colline qui marque le début de la chaîne de montagnes entourant Stormwood.

« Tu crois qu’ils vont venir ? j’ai demandé.

- Nous ne sommes peut-être pas les bienvenues…

- Mais al- »

Notre échange a été interrompu par un léger son sur notre droite. Confortablement installé sur une pierre plate à hauteur d’épaules, un petit Sko nous observait.

« Regarde, en voilà un ! »


Sko

D’après nos informations, les Skos ne pouvaient pas communiquer directement avec les autres créatures, il leur fallait un traducteur. Le Sko nous regardait sans expression particulière sur le visage, semblant attendre un mouvement de notre part. J’ai fait un pas en avant, puis un deuxième. Avant que j’aie le temps d’initier mon troisième pas, il s’est mis à hurler soudainement, d’un hurlement si aigu que nous en sommes tombées au sol, les oreilles sifflantes. Je ne sais pas combien de temps nous sommes restées ainsi mais j’ai senti ma tête tourner et mon esprit s’éloigner. Et, à l’instant où la possibilité de tourner de l’œil m’a traversé l’esprit, le cri s’est tu. Nous nous sommes relevées maladroitement, le corps ankylosé et douloureux comme si nous étions couvertes de courbatures. Le petit Sko se tenait toujours sur sa pierre l’air de rien et, à ses côtés, un Nain avait fait son apparition. L’air furibond, il nous a lancé un regard noir avant de courir vers nous en gesticulant.

« Je peux savoir qui vous êtes et ce que vous faites là, qui vous a envoyé, pour qui travaillez-vous, comment nous avez-vous trouvés, cessez de me regarder avec votre air ahuri et répondez-moi avant que je ne m’énerve, vous ne voulez pas que je m’énerve croyez-moi j’en ai mis au tapis des bien plus grands et féroces que vous alors vous avez intérêt à me dire tout ce que je veux savoir parce que sinon je ne donne pas cher de votre sale peau d’humaines !»

Il a débité tout cela sans reprendre son souffle et à une vitesse telle que certains mots nous ont échappés. Mais l’idée générale était là : nous étions loin d’être les bienvenues.

« Eh bien monsieur le Nain, j’ai tenté, nou-

- Je vous interdis de m’appeler monsieur le Nain, j’ai un prénom je vous signale, les Humains sont toujours aussi condescendants à nous juger comme un peuple et non comme des personnes à part entière, j’ai droit au même respect que vous mademoiselle ! »

Valentine et moi avons échangé un regard interloqué et elle a ouvert la bouche :

« No-

- Et cessez de me regarder de haut vous ne m’êtes en rien supérieures ! a-t-il hurlé, visiblement de plus en plus bouillonnant de rage. »

Cachant nos sourires mi anxieux mi amusés, nous nous sommes agenouillées pour nous mettre à sa hauteur. Cela a semblé le calmer suffisamment pour que son visage perde sa teinte rouge tomate. Il abordait à présent une jolie couleur « coup de soleil ».

« Je préfère, a-t-il grommelé dans sa barbe.

- Quel est votre prénom ? ai-je questionné prudemment.

- Gruff, a fièrement déclaré notre nouveau camarade. Je suis le gardien et traducteur des Skos.

- Ravies de faire votre connaissance Gruff, nous sommes Valentine et Loan. C’est la Sorcière qui nous envoie ici, elle voudrait que nous apprenions à connaître les Skos.

Instantanément, il s’est radouci.

- Bon si c’est la Sorcière je peux faire une exception pour des humaines... a-t-il marmonné. Suivez-moi. »

Trottinant, il a écarté le rideau de lierre et s’est engagé dans la grotte. Nous l’avons suivi avec autant d’appréhension que de curiosité.

« Ne faites pas de bruit, a-t-il chuchoté, le ton doux et préoccupé de sa voix contrastant avec ses cris précédents. Ils dorment. »

Nous nous sommes retrouvés au centre d’une immense grotte dont le plafond était si haut qu’on parvenait à peine à l’apercevoir. La grotte était éclairée d’une lumière tamisée émanant de pierres précieuses vertes pâles, donc les plus grosses pouvaient facilement dépasser un humain, et les plus petites mesuraient moins de cinq centimètres. Autour de nous, dans une multitude de trous de roche, se trouvaient des Skos. En boule, chacun dans un creux, ils dormaient dans de minuscules nids. A leur côté se trouvait une pierre plate.

« Les Skos sont des créatures peu sociables qui ne se mélangent pas entre elles et encore moins avec les autres. C’est pour cela qu’elles font de très bons gardiens, a murmuré Gruff. Leur magie est très ancienne et, comme les Fées, ils peuvent voyager à travers les lieux. Mais si les Fées traversent leur Porte, les Skos eux voyagent entre leurs deux pierres, celle de la grotte et celle de leur lieu de prédilection. Ils peuvent se déplacer sur leurs pattes mais c’est un exercice long et difficile, c’est pourquoi ils voyagent la plupart du temps sur les oiseaux lors de leur première sortie, afin de trouver un lieu où poser leur pierre. »

Imaginer ces petites créatures chevauchant un aigle royal ou un faucon m’a arraché un sourire amusé.


Sko

« Comment des créatures si peu sociables peuvent choisir de s’installer dans une maison ? a demandé Valentine. - Question pertinente mademoiselle Valentine. Les Skos ne sont pas dépourvus de curiosité ni de malice, et certains aiment observer autre chose que la nature environnante, qui ne change pas beaucoup d’un jour à l’autre. Ils peuvent alors choisir de s’installer chez quelqu’un. - Mais s’ils gardent une maison, ils y restent dormir ? Le Nain nous a regardé avec intérêt quelques secondes avant de reprendre. - Dans la nature, les Skos se relaient. Vous trouverez souvent deux pierres dans un même périmètre, mais jamais toutes les deux utilisées. Mais, dans le cas où il choisirait de vivre chez une personne, le Sko est seul. Il dort mais développe un sommeil bien plus léger que ses camarades, et ne revient pas au nid. C’est la contrepartie pour une vie d’aventure et de découverte. - Qui aurait cru qu’ils soient si intrépides » j’ai glissé. Un moment de silence a suivi, Valentine et moi observant avec attention notre environnement, et Gruff semblant perdu dans ses pensées. « Pourquoi détestez-vous les humaines ? a soudainement demandé Valentine. L’air surpris, le Nain a mis quelques secondes pour reprendre contenance avant de déclarer gravement : - Une humaine m’a pris tout ce que j’avais. - Désolée pour l’indiscrétion, avons-nous balbutié de concert. - Ce n’est rien… C’est Zarya, la sorcière qui a tenté de fuir avec les artefacts, qui en est responsable. - On nous avait dit qu’il n’y avait pas eu de victime lors de l’explosion pourtant, a murmuré Valentine. - Durant l’explosion non en effet. Mais pour obtenir les artefacts, elle n’a pas seulement manipulé les habitants de la Forêt, elle a fait bien pire. Certains n’étaient pas dupes et lui ont résistés, et elle a fait en sorte qu’ils ne puissent plus jamais se mettre en travers de sa route. » L’air s’était rafraichi depuis que nous étions rentrés dans la caverne, et j’ai frissonné. Je me suis demandé si la Sorcière nous avait véritablement envoyées ici pour les Skos ou si elle espérait que Gruff nous livre son histoire.

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